« Évaluer par compétences ! Arrêtez les notes ! Nous devons être une école ou un collège sans note ! »
Voici quelques injonctions qui fleurissent depuis quelques années au primaire et au collège.
Nous ne reviendrons pas sur les raisons de sortir des notes, d'autres l'ont fait. Ce qui nous intéresse ici c'est de préciser ce que ça veut dire et comment cela modifie notre pratique...
Dans le dictionnaire, une compétence est définie comme une connaissance approfondie reconnue. Cependant, dans la littérature scientifique éducative, les débats font rage sur ce que serait une compétence. Par exemple, ce qui correspondrait à "je suis capable de..." est souvent identifié comme une capacité. "Je sais que ..." annonce effectivement un savoir. Une connaissance est différente d’un savoir en ce qu’elle est personnelle, individuelle, quand le savoir est universel. La difficulté dans l’utilisation du terme compétence vient probablement de la mise en parallèle d’un programme de savoirs, savoir-être, capacités, défini par le ministère avec son acquisition par les élèves.
Ce que nous voulons évaluer en définitive ce sont les apprentissages des élèves. Chez PIDAPI, nous parlerons simplement d’items d’apprentissage.
Ce qui se profile dans un premier temps, c'est la tentation de créer une usine à cases en détaillant progressivement tous les programmes sous forme d’items d’apprentissages.
PIDAPI a opté pour une vision différente. Nous avons choisi de nous limiter à une quarantaine d’items par discipline pour tout un cycle. Ainsi plutôt que d'évaluer trois fois « j'accorde le groupe nominal au pluriel, avec un adjectif, avec un complément du nom, avec plusieurs adjectifs dont des adjectifs de couleur », nous validerons cet apprentissage une seule fois en fin de cycle 3. Nous parlons bien de l'évaluation sommative et non de l'apprentissage qui se déroulera sur les 3 ans, avec des situations collectives et individuelles qui permettront de confronter l'élève à ce savoir.
C'est ici qu'intervient la notion de ceinture. Il s'agit, à l'instar du judo, de proposer un parcours d'apprentissage à l'élève, en regroupant quelques items de niveau similaire dans un bloc qu'on appellera ceinture. La progression des ceintures suit les couleurs : (cycle 2) blanc, rose, jaune, orange, (cycle 3) vert, bleu, marron, violet, noir.
L'intérêt de PIDAPI réside principalement dans la facilité de créer des parcours d'apprentissage individualisés et pratiquement autonomes. C'est une réponse à l'hétérogénéité constatée dans nos classes même en cours simple. Cependant, il reste préférable que les élèves l'utilisent sur plusieurs années.
Un apprentissage dispose de 3 critères d'évaluation : non évalué, en cours d'apprentissage ou validé.
Tant que l'élève n'a pas été mis en position d'évaluation sur un apprentissage, il est donc non évalué.
Pour que l’item devienne en cours d'apprentissage, il suffit donc de proposer à l'élève une situation d'évaluation. PIDAPI propose dans son parcours d'apprentissage, le dispositif de la préceinture qui permet de faire une évaluation diagnostique de ce dont l'élève est capable ou pas. Cependant, lors d'une situation collective, il est possible de se rendre compte si un élève maitrise un item. À l'inverse, on peut se rendre compte qu'un prérequis pour un élève n'est pas atteint et donc adapter le travail pour lui éviter d'être en situation d'échec plutôt qu'en situation d'apprentissage. À nous de penser ensuite à lui permettre d’apprendre ce prérequis manquant.
On considère qu'un apprentissage est en cours quand il est à la portée de l'élève mais pas encore maitrisé, ou conscientisé. Nous privilégions les interactions entre pairs par la coopération pour favoriser la conscientisation qui facilitera d’éventuels transferts. Tel élève qui vient de valider un item, sera invité à l'expliquer à un autre élève qui est en phase d’apprentissage sur ce thème. Ce tutorat entre pairs permet au tuteur de réellement ancrer cet apprentissage et de parfaire sa connaissance en la confrontant à nouveau et au tutoré d’avoir une explication peut être différente de celle de l’enseignant.
Une fois repérés les manques de l'élève pour cet item, notre travail d'enseignant va être de lui proposer des outils pour apprendre, confronter sa connaissance au savoir. PIDAPI propose ainsi un outil appelé « fiche clé » qui permet de cibler encore l'obstacle et à l'élève de le dépasser. Une petite évaluation finale permet de valider l'acquisition de l’apprentissage. Nous nous fondons sur nos expériences d'enseignants pour diriger sur les difficultés courantes. Lorsqu'il y a des difficultés particulières, il est toujours possible de créer d'autres outils adaptés pour l'élève en question.
Enfin, l'élève valide son apprentissage, il poursuit son travail, satisfait. Il sera amené ultérieurement à réutiliser cet apprentissage et d’autres corrélés dans une situation complexe, en français, écrire et en math résoudre.
Il va se créer dans une classe de 24 élèves, 24 parcours d'apprentissages, en français et en maths par exemple. 24 spirales positives de réussite, ce qui change radicalement le climat de la classe. Cela demande d'avoir une progression d'enseignement en classe entière accompagnée par des parcours d'apprentissages individualisés. Cela implique une gestion du temps spécifique, facilitée par l'organisation de la classe en coopérative et la personnalisation des apprentissages. C’est-à-dire une classe dans laquelle les charges sont réparties entre l'adulte et les élèves, même si la responsabilité incombe toujours à l'enseignant. Des outils comme les situations problèmes math ou français, ou encore le GRECO, aident à la gestion du temps, en libérant du temps de préparation pour l’enseignant et en facilitant l’organisation par une ritualisation de la forme des dispositifs collectifs. Le plan de travail devient souvent indispensable pour gérer les parcours individualisés et les travaux collectifs.
Cédric Serres Juil 2024